On m’a donné la chance de fabriquer mes premiers violons
Quand on pénètre chez un luthier, on entre dans l’Histoire par la porte de la musique. On se surprend à ne pas y parler fort et même à seulement y murmurer, comme pour ne pas troubler l’atmosphère toute de sensibilité créatrice qui y règne. Et pourtant, on est à Paris, dans le 11e arrondissement, au 29 de la rue Mercœur, non loin du boulevard Voltaire et de ses animations.
Dès les premiers mots échangés avec Laurent, maître des lieux, l’évidence s’impose : il aime les instruments de musique. Ceci explique la détermination déployée très tôt pour exercer ce métier, qui se définit comme un sacerdoce. Car cet homme proche de la cinquantaine et désormais bien établi a dû batailler contre vents et marées avant de s’établir enfin.
Dès ses plus jeunes années, il considère le violon comme le roi des instruments. De 6 à 14 ans, il prend des cours. « Sans exceller », avoue-t-il. Mais à l’adolescence, son choix est fait : il souhaite devenir apprenti chez un luthier. Ses parents, eux, désirent le voir passer son bac. Il ne commente pas cette volonté familiale.
Juin 2000 : la Fondation retient son dossier et l’aide à créer son atelier de luthier à Paris.
Toutefois, sa vocation est ailleurs… Son bac en poche, le jeune homme tente l’école nationale de lutherie de Mirecourt, dans les Vosges. Trop vieux. Il file à Crémone, en Lombardie, dans le nord de l’Italie, cette ville qui a vu naître en 1644 le maître luthier Antonio Stradivari, dit Stradivarius. Mais il n’a pas les moyens de s’inscrire à l’école de lutherie. Sans doute ses parents prennent-ils alors la mesure de la fascination de leur fils, de retour à Paris : ils l’aident à entreprendre la formation nécessaire, cette fois à Londres, de 1993 à 1998.
Enfin devenu ce qu’il rêvait d’être, Laurent trouve une place chez le luthier parisien qui, bien des années auparavant, pouvait le prendre en apprentissage. Il sait bien que les études sont un socle, qu’elles ne suffisent pas. Il est décidé à apprendre les innombrables ficelles de ce métier qui oscille en permanence entre l’artisanat et l’art, un métier qui exige une longue pratique préparatoire, mais aussi de l’amour, certes pour l’instrument lui-même mais aussi pour la musique.
Laurent s’obstine. Il se sent dans son élément, même si le revenu de départ est peu élevé. Il souhaite se mettre à son compte. Mais comment acquérir un stock de bois et des outils ? Une fois de plus, il entreprend des démarches, avec patience, avec ténacité.
Hélas, il ne correspond pas aux critères. Jusqu’à une rencontre déterminante, lors de laquelle on lui conseille de contacter la Fondation de la 2ème chance, créée seulement deux ans plus tôt.
Ce conseil a été une vraie chance, raconte-t-il. J’ai mis tout mon cœur dans mon dossier. Je me suis senti en confiance, parce que j’ai découvert que cette Fondation était d’une totale neutralité et animée d’une réelle volonté d’assister. Et là, on m’a donné ma chance en finançant mon stock de bois et mes outils, non sans m’avoir demandé d’en dresser la liste précise.
Sa chance, à Laurent, ne se résume pas seulement à un chèque, à une claque d’encouragement sur l’épaule, mais à un accompagnement véritable, avec la création d’un lien. Laurent se sent soutenu. « Grâce à la Fondation, admet-il, j’ai enfin pu m’installer ». Eux, peut-il dire, ils connaissent la… musique